Au moment d’écrire cet article, je ne sais comment commencer tant cette aventure fut pleine et inhabituelle. Tout d’abord, partir en laissant notre maison durant 6 jours, ce n’est pas chose facile. Ensuite, la préparation des sacs de trek c’est toute une affaire. Prendre ou ne pas prendre, utile ou indispensable, confort ou nécessité. Chaque objet demande réflexion et, au final, ce sont tout de même 40% de choses en trop que nous prenons, pauvre européens que nous sommes, avec nos besoins de confort. Mais enfin, nous partons, parfois, mieux organisés et parés à d’éventuelles urgences.
Plutôt qu’un récit habituel, qui retracerait les étapes les unes après les autres, c’est plus une impression générale qui doit être partagée, car au final, nous aurons fait 6 jours de marches et ce n’est rien d’autre que mettre un pied devant l’autre.
Pourtant, au départ, lundi matin, pour l’agence avec qui nous avons réservé, nous étions loin d’imaginer tout ce qui pourrait se passer. Autant à titre individuel, qu’au niveau du groupe, puisque nous partons avec la Famille Castagna et Jil.
La première chose qui conditionnera l’ensemble de l’aventure n’est autre que le guide. Et si vous en avez un comme le nôtre, vous serez sûrement satisfait de votre expérience. José (que nous recommandons à tous ceux qui souhaiteraient se rendre à la Ciudad Perdida), qui travaille pour l’agence Turcol de Santa Marta et Taganga, est le fils du premier guide de la région. Avec son frère, Mario, ils vous prennent en charge, le premier vous guidant et le deuxième cuisinant les repas. En plus, période de grève dans l’enseignement oblige, nous avons eu la présence de Blayson, le dernier de la famille âgé de 14ans. Tous les trois ont été fantastiques, serviables, intentionnés et de bonne compagnie. Nous n’avons jamais eu faim, ne nous sommes jamais ennuyés et avons obtenus de nombreuses réponses à nos questions.
Les raisons qui vous poussent à venir faire la Ciudad Perdida sont multiples. Tout d’abord, c’est l’appel de l’aventure, partir marcher durant 6 jours pour faire 52km, dont de nombreuses heures se déroules sur des pentes entre 10 et 15%. Ensuite, c’est la découverte d’un site mystérieux, découvert dans les années 1970 par des colombiens, alors que ce site date des années 4 à 500 ap. J-C. Mais c’est aussi l’espérance de rentrer un peu en contact avec la communauté indigène, vivant encore en grande partie sans l’évolution de ce millénaire et demi les séparant des premiers indigènes de la région. Ce dernier point fut la chose la moins évidente.
Pour le premier point, celui qui concerne la marche, nous avons tous dû, un moment où un autre, surmonté nos propres limites, chercher au fond la capacité de continuer à avancer. Sous un soleil de plomb parfois sans ombre, des températures jusqu’à 38°, je fus le premier à flancher, le premier jour de trek. Dès le matin, j’ai ressentis de la gêne à l’estomac. Lors de l’ascension qui commença très brusquement, les premières crampes ont débutées avec des nausées qui se péjoraient à chaque fois que l’effort augmentait. J’ai vécu près de 5h de calvaire pour arriver tant bien que mal à la première cabane, une demi-heure après les autres, les jambes cassées et l’envie de pleurer, tant mon corps se sentait à vide. Les jours 2 et trois furent encore un peu durs pour moi physiquement, avant que je ne reprenne toutes les forces nécessaires à ce genre d’aventure.
Mais je ne fus pas le seul à en pâtir des effets de la santé sur notre corps. Noémie, l’ainée des Castagna, à vomis tripes et boyaux avant de s’évanouir au milieu de la nuit. C’est aussi cette nuit-là que Laurent, le papa, s’est senti mal au point de ne presque pas dormir. Puis, au réveil, c’était au tour de Jimmy de ressentir des crampes d’estomac. Aude, Noémie et Jimmy ne seront pas venus à la cité perdue. Une grosse déception pour nous, les parents, mais heureusement moins pour Jimmy.
En terme de difficultés physiques, il a encore fallut faire face aux descentes, que nous avions monté ! Et là, c’est Soraya, Noémie et Claire qui en ont pâti. Serrant parfois les dents, elles sont arrivées en bas sans se plaindre mais non sans boiter quelques fois.
Les pépins physiques mis à part, il reste encore les points 2 et 3 qui vous poussent à faire ce trek. En deuxième, j’avais parlé du site. En soit, si on le compare aux sites Mayas que nous avons déjà faits, ce n’est pas extraordinaire. La cité perdue est faite des centaines de terrasse (car je n’ose pas utiliser le terme milliers, ne sachant pas exactement) dont certaines étaient utilisée pour y construire des maisons en bois et terre pisée, et d’autre pour des rassemblements spirituels.
Mais ce qui rend magique l’arrivée sur ce site, c’est le chemin parcouru pour y parvenir. Après 3 jours de marche (pour ceux qui font le trek de 6 jours), vous quittez la dernière cabane à 6h du matin, marchez 30 minutes, puis vous êtes au pied de la cité. Ici, commence la dernière ascension des 1200 marches, parfois très glissante et surtout très irrégulières.
Et là, vous êtes aux premières terrasses. Pas les plus impressionnantes, mais vous y êtes, avec la satisfaction de l’avoir fait d’être ici où les Tayrona vivaient déjà entre l’an 400 et 500 de notre ère. Les peuples indigènes de la région s’y retrouvent encore une fois par année, pour les cultes sacrés, venant des petits villages de la région pour environ 200 d’entre eux, et venant de 5 jours de marches pour les autres arrivant d’un village peuplé de 22’000 personnes situé dans les montagnes.
Au long de l’ascension menant au terrasses principales, nous recevons des explications diverses sur la vie de ce lieu et sur l’interprétation de roche gravée qui représenterait les vallées avoisinantes avec les lieux sacrés, comme une mappe gravée.
En arrivant en haut de la partie visitée du site, la forêt dense s’ouvre et vous découvrez une vallée faite de forêt composée d’arbre feuillu, mais plus surprenant et ce que nous n’avons pas chez nous, des palmiers trônant fièrement plus haut que tous les autres.
Là-haut, il y a aussi les militaires. Leur présence semble indispensable aux yeux des paysans et des guides locaux qui expliquent que ceux-ci sont arrivés en 2005 pour nettoyer la région des paramilitaires qui ont enlevés des touristes en 2003 et qui obligeaient l’ensemble des habitants à cultiver la Coca, puis à fabriquer la cocaïne. Notre guide fut, jusqu’à ses 20 ans, obligé de travailler dans un laboratoire clandestin. Je l’ai appris lorsque celui-ci me fit la liste des ingrédients nécessaire à la fabrication de cette pâte, mise en poudre une fois transportée.
Les terrasses principales sont, elles, vraiment impressionnante. On peut s’en rendre compte déjà en arrivant par le bas.
Mais on en prend toute la mesure au moment où l’on grimpe un peu et que tout ce voit depuis en haut.
Finalement, le point qui se sent le moins dans cette aventure, c’est l’entrée en contact avec les indigènes. Selon le guide, c’est leur timidité qui les retient dans le contact aux touristes. Mais mon ressentis personnel est autre. Une différence de culture peut-être insurmontable, un mépris pour le blanc ou encore pour sa façon de vivre. Je ne sais pas, mais la timidité seule me semble un peu juste pour expliquer le fossé relationnel vécu, surtout avec les hommes de tribu.
Toutefois, nous avons pu entrer ponctuellement en contact avec des enfants, en partageant une barre céréale (avec autorisation des parents) ou en jouant du regard.
Nous avons également eu la chance de voir un ancien chaman (mamo) de plus de 100ans s’assoir à côté de nous pour échanger sur les façons de vivre et parler du Poporo (ce qu’il a en main), objet réservé aux hommes et contenant les écrits de leur vie, que le chaman peut lire à travers les signes de la pâte blanche séchée (mélange de coquillages broyé avec de la coca). Ce fut un moment fort de cette aventure, qui ce sera passé grâce à José, notre guide, qui lui aura demandé de venir s’assoir vers nous, sentant que nous étions assez respectueux pour l’accueillir dignement.
Pour terminer cette description d’aventure, j’aimerais encore parler du groupe dans son ensemble. Se retrouver 24/24 les uns avec les autres durant 6 jours reste une épreuve parlante. S’il y a pu avoir quelques différents dont chacun, individuellement, en est responsable, l’entente du groupe fut plutôt bonne. Chacun fut désolé lorsqu’une personne fut mal en point et aura proposé son aide. Les rires auront su être plus forts que les levées de voie générées par la fatigue. Les moments de baignades en rivières bien fraiche furent des moments agréables en groupe.
Et le groupe est aussi fonction du guide, des guides ! Et sur ce point-là, nous avons été gâtés. Les 3 frères (non non, pas ceux-là) ont été exemplaires. José, Mario et Blayson ont dans leurs yeux cette gentillesse qui vous met directement à l’aise. Ils sont respectueux et recherchent sans arrêt votre bien-être. Nous avons eu une chance incroyable et recommandons encore une fois de faire appel à lui (José Fernando, surnommé Nandi) par l’intermédiaire de l’agence Turcol pour vous garantir un séjour inoubliable.
Merci à Laurent, Aude, Noémie, Léa, Enzo et Jil pour ce partage et cette aventure. Et comme père de famille, merci à mes enfants qui se sont dépensés sans compter, sans râler, qui auront fait preuve de bravoure et de courage, malgré les cloques, les douleurs et la chaleur parfois insupportable. Et comme tout le monde l’a dit sur le chemin, de notre groupe ou d’autres guides, la vraie championne fut Amélie. Du haut de ses 5ans et demi, elle aura bluffé tout le monde. Elle ne se sera jamais plainte, même le jour où l’on a marché 8h. Elle l’a fait au rythme des adultes sans broncher et elle, contrairement aux « vieux », elle avait encore la pèche pour s’amuser une fois arrivée au campement. Et voyez son sourire une fois mise sur la mule, sa récompense pour avoir bien marché, à 10min de l’arrivée finale. Quelle fierté !