Lors de notre marche à la Laguna Cuicocha, Claire à fait la rencontre de Manuel, un équatorien vivant depuis 22ans en Italie et actuellement en vacances dans sa famille. Il nous a invités pour passer un moment de la fête de la St-Jean avec sa famille. Cette fête se déroule sur une semaine dans ce village. Toutes les communautés alentours se réunissent et danse autour de la place principale. Le 24, le premier jour, est réservé aux hommes.
Donc, mardi 23, nous quittons Guachala pour Cotacachi. En arrivant chez Manuel, ou plutôt chez ses parents, nous sommes accueillis de superbe manière. Nous arrivons chez une famille de classe moyenne supérieure dont la maison est très bien faite en bien entretenue. Miguel, le Papa, est entrepreneurs, constructeur de maison. Nous recevons des jus et, après quelques échanges dans le salon des parents, sommes invités à manger chez la belle-sœur de Manuel.
Herminda est colombienne. Elle s’est mariée à l’âge de 16 ans à Luis, le frère de Manuel. Ce sera elle qui prendra soin de nous durant ces 3 jours chez eux. Nous faisons connaissance et découvrons Herminda avec deux facettes. La première est celle d’une femme souriante, toujours prête à rigoler et d’un accueil exceptionnel. La deuxième, celle d’une femme loin de ses racines et seule, malgré la présence de sa belle-famille. Son mari, Luis, nous ne l’avons pas rencontré. Il fait partie de l’intelligence militaire équatorienne et est souvent en déplacement notamment lors de déplacement du président Correa à l’étranger. Nous partageons le premier repas mardi soir en compagnie de Manuel et Herminda, un plat préparé par cette dernière.
Mercredi, alors que nous avons déjà commencé l’école, Herminda m’appelle et me dit de venir chez elle. Là, un plat de fruit nous attendait pour que je l’emmène dans notre Rhino pour le déjeuner.
L’école terminée, Herminda nous invite à nous rendre au centre du village pour vivre ce moment traditionnel qu’est la St-Jean. Mais elle nous prévient, la fête peut dégénérer et devenir violente, traditionnellement. Cette fête est ancestrale et la plus importante des communautés alentours de Cotacachi. Elle est en relation avec le Solstice d’été et la mère-terre. Cette fête est là pour donner la force à la terre de donner suffisamment de récolte pour l’année à venir et au soleil de briller suffisamment pour faire grandir le grain.
Selon les explications reçues par Manuel et Herminda, tous les membres des communautés travaillent toute l’année afin de réunir assez d’argent pour faire la fête une semaine durant. Ils dépenseront cet argent en nourriture, mais aussi en alcool qui coulera à flot dans les gosiers !
Les communautés se déguisent et viennent en groupe danser autour de la place du village. Ils y a 5 groupes à la fois et chacun occupe un angle. Vous aurez compris, il n’y a que 4 angles et 5 groupes, ce qui fait que chacun son tour chasse le groupe suivant de l’angle et prend sa place pour danser. C’est là que certains esprits s’échauffent. A la rencontre des groupes, il y a des provocations, souvent amicales, mais qui deviennent de plus en plus virulente à mesure qu’ils sont imbibés d’alcool.
Tout cela peut paraitre barbare et inutile. Pourtant, ce n’est que plus tard que je me suis rendu compte que mon jugement est unilatéralement conditionné par les principes de vie européens. Je l’ai vu ainsi lorsqu’en discutant de culture, une personne m’a raconté que l’année précédente, deux jeunes s’étaient affrontés et que l’un d’entre eux en est mort. Le gouvernement a tenté d’intervenir auprès des communautés locales pour les dissuader de continuer de vivre leur fête ainsi. Tous se sont élevé contre cette demande en invoquant une tradition qui se vie depuis des siècles de cette façon. La famille du jeune décédé, interrogée par un quotidien, a expliqué qu’elle n’allait pas porter plainte et que malgré la tristesse d’avoir perdu un proche elle acceptait la situation puisque cela se passe ainsi depuis toujours.
Le tout n’en reste pas moins intéressant et impressionnant. Le déplacement des groupes est le moment laissant paraitre le plus d’énergie. Dans l’angle, en train de danser, ils semblent être comme dans une sorte de trance. Mais quand le groupe se met en déplacement, il se dégage une force assez impressionnante et limite effrayante.
Durant notre présence, un seul accrochage a eu lieu. Cela a eu pour conséquence de déclancher un mouvement de foule en panique. En gros, seul deux membres du même groupe tellement imbibés qui ne se sont pas reconnus en sont venus à s’accrocher, sans que cela ne déborde. Mais les gens sont tellement tendus que ce petit accro aura déclenché quelque chose qui aurait pu être plus dangereux que la bagarre en elle-même. Herminda s’est mise à courir en entrainant nos enfants avec eux. Elle les poussait au point qu’ils ont failli trébucher, et c’est là qu’il aurait pu se passer malheur. Claire et moi étions toutefois attentifs et avons pris le relai pour nos enfants, en nous déplaçant rapidement mais en marchant, nous mettant devant nos enfants pour éviter qu’ils ne se fassent bousculer.
Nous sommes repartis de la fête un peu avant Herminda et Manuel, que nous avons retrouvé le soir. Nous avons continué à discuter et échanger sur nos cultures et nos vies. Herminda nous a invités à revenir pour la fête du dimanche soir, là où les gens se retrouvent pour danser autour de groupe de musique, cette fois-ci sans aggressivité. Aussi, nous avons convenu d’essayer de nous revoir à la côte, puisqu’elle s’y rendra pour retrouver son mari et y passer les vacances d’été au bord de la mer. Nous avons beaucoup apprécié ces échanges et repartons avec un pincement au cœur mais très heureux d’avoir vécus ces instants en leur compagnie.