Après cette journée de jeudi bien tranquille avec piscine, nous retournons dormir à environ un kilomètre de l’entrée de Twe Rivieren, dans le lit de rivière asséché. C’est la deuxième nuit que nous passons là, au calme et gratuit, que demander de mieux. En sortant du parc, nous refaisons la demande pour une disponibilité au camping de Mata-Mata pour demain soir. Ce matin, tout était plein, mais ce soir on nous dit que deux places se sont libérées durant la journée, et tant mieux. Entre Twe Rivieren et Mata-Mata il n’y a que 120km, mais avec énormément d’ondulations et quelques passages boueux qui fait que nous ne pourrions pas réaliser l’aller-retour dans la même journée.
Alors nous démarrons vendredi matin dès l’ouverture des portes à 7h pour arriver à 16h30 l’après-midi. Mais autant vous le dire tout de suite, la journée aura été surtout longue et longue… rouler, rouler, rouler, pour observer de superbes paysages, certes, de très jolis animaux, certes, mais passer près de 12h sur de la mauvaise route c’est éprouvant. Honnêtement, est-ce que le jeu en vaut la chandelle, certainement, mais on ne peut pas mettre de côté l’aspect difficile du déplacement. Avec une voiture légère type 4×4 ou un gros camion je pense que la route serait plus facile, mais avec un camping-car sur jantes seize pouces et 5.2to de poids total, ce n’est pas génial. Pourtant, il dépend aussi de ce qui est vu sur la route. Le Kalahari est connu pour sa grande quantité de félins, et des allemands nous disent d’ailleurs que la dernière fois qu’ils étaient ici, ils ne savaient pas où donner de la tête tant il en ont vu, mais que cette fois-ci, comme la saison humide donne beaucoup de pluie ils sont assez peu visibles. Nous avons, en l’occurrence, certainement passé des tonnes de félins durant cette journée sans en avoir vu la moustache. Peu importe ! La route était belle et si nous ne l’avions pas faite nos serions repartis du Kalahari avec un goût d’inachevé.
Samedi, pour le chemin du retour, nous ne sommes guère plus chanceux à la pêche aux félins. Mais comme hier, nous voyons de nombreux Oryx, Gnous, Springbok et autres petits animaux.
Nous finissons la journée à nouveau dans la piscine. Il faut dire qu’à 38°, c’est avec un immense plaisir que l’on saute dans une eau même quand elle à 32° ! Puis nous retournons camper juste à l’extérieur du parc avec pour objectif de revenir demain matin pour une dernière ronde avant de reprendre la route contre le Sud.
Nous nous réveillons à 8h dimanche matin, une grâce matinée bien méritée puisque c’est entre 2h et 8h du matin qu’il fait le plus frais dans Rhino, soit environ 24° ! Nous partons presque tout de suite et espérons pouvoir manger avec une sympathique vue sur de jolis animaux. Et bien c’est jackpot puisque nous retombons sur nos cinq guépards de mercredi, bien cachés à l’ombre d’un arbre, et que nous n’aurions pas vu si une gentille dame n’aurait pas pris le temps de nous expliquer 3 fois où ils sont. En discutant encore un peu avec cette dame, nous comprenons que ce groupe de cinq guépards est composé, en fait, d’une mère et de ces quatre juvéniles. On s’était posé la question l’autre jour en reprenant nos photo, puisque nous avions aperçu ce pelage sur leur dos semblant être des restes de pelage de jeunes spécimens.
C’est par ailleurs devant eux que nous allons passer la matinée. Ils semblent avoir faim et son attentifs aux moindres mouvements des autruches, oryx et gnous. C’est avec un oryx passant tout proche du groupe de guépards que la phase la plus intéressante pour nous à eu lieu, mais en faisant du bruit dans Rhino, j’ai attiré l’attention de l’oryx qui, en tournant la tête, a repéré les guépards. Je viens peut-être de fiche en l’air le repas des félins et un beau spectacle pour nous ! Grrrrrrrrr…..
Nous retournons aujourd’hui à Upington. Nous avons deux choses à y faire. La première concerne Rhino. Depuis quelques centaines de kilomètres nous roulons avec un pare-chocs qui ne tient plus qu’à 4 brides. C’est donc lundi matin que nous allons dans un workshop pour faire quelques travaux de soudure et aussi espérer que ce bruit de grincement que nous avons vient d’une fixation du pare-chocs qui s’est fendue.
Malheureusement, si le bruit semblait avoir disparu, il est réapparu après quelques kilomètres seulement. Cela doit être à cause d’une des raisons qui m’a traversé l’esprit en retournant cela vingt mille fois dans ma tête ; les cv joint ou encore la barre de stabilisation. Mais encore, si cela venait des suspensions avant… On va encore avoir du job et quelques francs à dépenser ! Mais nous sommes maintenant un peu fatigué de chercher à résoudre ces ennuis techniques qui finalement ne touche que du cosmétique automobile (bruit, vibration, craquement) et aucunement le moteur, le châssis ou des éléments de sécurité du notre bon Rhino, du moins on touche du bois et espérons que cela continue. Alors on repart sans trop y penser et on réglera cela dans une autre grande ville. C’est aussi que Thabani attend notre coup de fil. En parcourant le parc du Kalahari, nous avons croisé Herman, actuellement prêt à finaliser ses examens de guide touristique. Il nous a proposé de contacter Thabani à notre retour à Upington afin qu’il nous mène dans son Township pour y découvrir une partie de la vie que nous n’avons pas encore rencontré en Afrique du Sud, celle de ces villages dans les villes, construites en tôle de zinc et briques de terre cuite.
Nous arrivons dans le Township de Paballelo vers 15h. Les regards des locaux semblent très intrigués ; « mais que font-ils ici ces blancs avec leur camping-car » !? Et lorsque le contact visuel se fait, on remarque que les regards qu’ils ont est vraiment interrogatif, jamais agressif. Si la chance de les saluer se présente, nous le faisons et nous recevons immédiatement de la sympathie, des regards pétillants et des sourires joviaux. En fait, leur réaction prière est très dubitative et pourrait vous amenez à croire qu’il y a de la haine derrière, mais au contraire, une fois que nous leur montrons Notre ouverture d’esprit et que nous entrons en contact avec eux, alors ils s’ouvrent eux-mêmes et vous montrent qui ils sont vraiment, c’est-à-dire des personnes agréables et gentilles, comme 98% des gens sur cette planète à qui l’on donne ma fois peu d’importance au rapport à l’attention que l’on donne aux 2% de cons qui font beaucoup de bruit.
Thabani nous accueille et nous propose de stationner notre camping-car dans l’enceinte du poste de police du Township. Il insiste sur le fait que rien ne devrait se passer en stationnant à l’extérieur, ce dont nous sommes sûrs également, mais il dit qu’il ne sert à rien de tenter alors qu’en parquant dedans nous sommes certains de la sécurité de notre Rhino.
Puis nous commençons le tour guidé. Thabani est guide mais réalise ce tour dans le Township où il vit pour la première fois, et nous adorons cela. Il semble parfois hésitant et c’est ce qui rend cette expérience unique et authentique. Tout en marchant, il nous raconte quelque peu l’histoire de l’apartheid et des groupes de rébellion qui se sont formés. Le premier arrêt se fait assez naturellement devant le mémorial du « Upington 26 ».
Durant l’apartheid, il était strictement défendu de se réunir à plus de 5 personnes de couleur, ceci afin d’éviter bien entendu toute forme d’entente et d’organisation de l’ANC, du PAC ou tout autre groupement noir. Mais ici, à Upington, un groupe de 26 personnes a souhaité défier cette interdiction en se réunissant, parlant de politique et d’organisation des protestations. Malheureusement pour eux leur réunion est arrivée aux oreilles du gouvernement en place et une descente de police a eu lieu, avec coups de feu et grosse répression. Si tous n’ont pas été attrapés le soir même, ils ont fini, les 26, par être arrêté et traduit en « justice ». Quatorze d’entre eux ont été condamnés à mort, les douze autres ayant collaborés avec la police ayant reçu des sentences plus clémentes. Mais le geste était fort, la défiance montrée imposait le respect de leurs pairs et un mémorial fut donc construit à la fin de l’apartheid en leur mémoire. Aussi, les survivants et les descendants des personnes condamnées à mort ont reçu des maisons plus confortables en périphérie du Township à l’arrivée de Nelson Mandela au pouvoir.
La visite continue par une balade dans les rues de Paballelo. Il fait très chaud (40°) et le soleil tape très fort. Nous nous arrêtons dans un shop pour à acheter à boire, c’est là qu’un jeune défoncé nous accoste pour demander deux Rands. Thabani le stoppe immédiatement : « ce sont mes invités, ne les dérange pas en demandant de l’argent » ! Il nous explique que le manque de travail cause de gros dégats chez les jeunes des Township. Ils finissent dans l’alcool ou, pire, dans la drogue. Mais si certains posent parfois problème, la majorité reste agréable et souriante, comme ce jeune éméché qui nous aura accompagnés un moment.
Ici à Upington, des entreprises de fabrication de panneaux solaires sont venus s’installer afin de créer des champs de fabrication d’électricité. Cela amène des milliers de personnes chaque année, et si Papallelo avait un demi-million d’habitant il y a peu, il pense que bientôt le million sera dépassé, tant l’extension du Township est grande. Nous le constatons nous-mêmes, de nombreuses constructions flambant neuves (si on ose le dire ainsi) débordent du Township original. Des lignées de tôles ondulées brillantes reflétant le soleil montrent là où la nouvelle expansion a démarré. C’est dans une de ces maisons que Thabani nous emmène pour y rencontrer Aneen, l’épouse d’un de ses amis. Ils habitent là, dans une maison quasi neuve et pas encore tout à fait terminée. En rentrant dans ce lieu de vie, nous avons une toute nouvelle notion qui nous arrive. Les Township ne sont pas, ou du moins plus, ces bidonvilles rempli de pauvres manquant de nourriture, sales sur eux, sans avenir et tristement démunis. Non, et même trois fois non, les Township sont une continuité de ces lieux de vie où les blancs ont poussé les noirs, mais une continuité sociale complète. Dans la maison où nous sommes, le mari est gérant d’un magasin de chaussure en ville. Il gagne correctement sa vie, peut subvenir au besoin de son enfant, son épouse peut rester à la maison pour assurer l’éducation de Seyjey, ils ont à boire et à manger, de l’électricité, une cuisine « agencée », un télévision et une chaine Hi-fi, le tout dans une très jolie petite maison qui a pour éléments surprenant le simple fait d’avoir les murs en tôle ondulée.
Et dans cette maison, nous sommes merveilleusement reçus. Annen s’excuse pour le manque d’ordre, que nous ne voyons pas puisqu’elle tient son ménage parfaitement. Elle nous invite à nous assoir et à boire un verre d’eau d’Upington, l’eau courante y est potable comme presque partout en Afrique du Sud, et après l’eau saumâtre que nous buvons depuis notre passage au Kalahari celle-ci est digne d’une eau d’Henniez ! Vraiment, nous passons un superbe moment dans ce Township à la rencontre de tout un pan de l’Afrique du Sud que nous ne pouvions mettre de côté. Sans vivre cette expérience, sans s’immerger un instant dans cette ambiance et sans rencontrer les gens qui y sont, il est très difficile de comprendre toute l’Afrique du Sud, la beauté dans sa complexité.
Mais restons quand même lucide, les gens qui vivent dans les Township ne sont pas des chefs d’entreprise fortunés. Bien qu’il y ait des classes sociales différentes dans ces quartiers de villes, les plus riches auront une maison en brique avec du confort intérieur, la classe moyenne supérieure des Township auront une maison comme celle d’Aneen, mais il y a aussi ceux qui forment la base de l’échelle salariale, ceux qui n’ont pas de travail et qui vivent en effet dans des conditions de précarité plutôt extrêmes avec un seul repas par jour. Et c’est peut-être cela le plus choquant, car si vous avez la chance de naître dans un quartier occidentalisé, vous aurez une vie comme en Europe avec tous les services et le confort matériel nécessaire, voire plus. Mais si êtes noirs, né dans un Township et sans études accomplies, touchant un salaire de misère, alors vous vivrez dans une précarité digne des pays les plus pauvres du monde, un écart difficile à comprendre.
Paballelo est un Township que nous avons adoré, qui nous prouve encore une fois que la gentillesse n’a rien à voir avec la classe sociale mais bien avec la façon dont vous-même arrivez dans un lieu. Décrocher un sourire vous amènera certainement un sourire en retour, alors souriez !